Tout a changé sans même qu’on ait le temps de s’en apercevoir. Du jour au lendemain, nous nous retrouvons enfermé dans nos maisons, en attente de la prochaine annonce qui, nous le savons déjà, comprendra plus encore de restrictions. La société est en crise, disent-ils, à cause de la propagation d’un virus. Le gouvernement insiste sur l’importance de faire ce qu’il demande pour ainsi agir de façon responsable et solidaire. Il assure que l’état d’urgence est temporaire, mais nécessaire pour gagner le combat contre ce qui compromet sérieusement notre bien-être… mais attendez un peu…

Quel virus? Présentement, on ne peut le savoir. Toutes les informations, nombres et statistiques qui justifient le confinement imposé est entre les mains du gouvernement et des spécialistes qui travaillent à son service. Ce n’est pas un déni de l’existence du virus qui court, mais la reconnaissance de ses caractéristiques, de sa propagation comment y faire face. Les données concernant son impact sont entre les mains des scientifiques du monde entier, qui souvent ne s’entendent même pas entre eux sur la manière de les interpréter ou sur les conclusions pratiques qu’elles impliqueraient. La conclusion des autorités en revanche est simple; ils le savent, nous ne le savons pas.

Pour ces raisons, nous leur devons une obéissance totale. Les médias de masse jouent magnifiquement leur rôle traditionnel de serviteur du système. Ils décident de ce qui existe en démontrant et en répétant l’histoire selon les autorités, ne laissant pas un millimètre d’espace aux voix déviantes de toutes sortes. Leur travail consiste à planifier les assises des prochaines décisions toujours plus totalitaires. Après tout, un virus n’est-il pas l’ennemi parfait? Invisible et potentiellement partout, chaque personne contrevenant à la règle inventée devient complice de cet ennemi avec les amendes et les peines de prison comme justifications à l’oppression. Ainsi, le contexte parfait est créé pour faire briller l’État en tant que sauveur ultime.

Quelle responsabilité?

Impossible d’ouvrir un journal ou de passer à la télévision sans qu’on nous dise de «prendre nos responsabilités». Qu’est-ce que cela signifie? On nous demande de suivre aveuglement les ordres des politicien.nes, mais ne sont-ils pas les mêmes bureaucrates dont nous nous méfiions auparavant? N’ont-ils pas prouvé déjà tant de fois qu’ils étaient avides et corrompus parce que beaucoup d’eux sont plus motivés par des intérêts personnels que par le bien commun? N’a-t-il pas été démontré à maintes reprises que leur soif de pouvoir est plus grande que leur sens de justice ou de raison?

Ce sont les mêmes personnes qui nous demandent de leur faire confiance, sans poser de questions, et qui appellent cela «prendre ses responsabilités». Ne serait-ce pas en réalité faire le contraire? En fait, ce qu’on nous demande c’est d’abandonner tout jugement, toute pensée critique et toute autonomie pour se souscrire au contrôle gouvernemental extrême dans tous les aspects de notre vie.

La mascarade continue. Nous devons obéir aux mesures extrêmes de «solidarité». N’est-il pas cynique d’entendre ces mots de la bouche des représentants d’un système basé sur l’exact antonyme de solidarité? Toute l’année nous devrions courir comme des poules sans têtes pour se soumettre au jeu de la concurrence, être exploité.es, être chassé.es par des flics pour quelque raison que ce soit et être volé.es par des fonctionnaires qui se satisfont de faire leur travail. Et maintenant ils osent nous parler de solidarité?

Comment osent-ils agir comme s’ils se souciaient de notre bien-être? Qu’en est-il des millions de personnes qui vivent dans la pauvreté pour que ces fonctionnaires puissent être riches? Qu’en est-il de toutes les personnes qui meurent pour leur boulot de merde, au profit de l’implacable machine économique? Qu’en est-il de ceux et celles qui sont torturé.es dans les commissariats de police par les bourreaux  de l’État en uniforme? Qu’en est-il des milliers de immigré.es qui meurent aux frontières chaque année? Où est le gouvernement dans ces moments-là avec ses grands discours sur la solidarité?

Alors qu’ils essaient de nous faire avaler leurs théories hypocrites sur la solidarité, nous voyons que le confinement enferme des tas de gens dans des circonstances invivables. Les enfants gardés sous le perpétuel joug de parents violents par exemple, ou les conjoint.es, maris et femmes coincés dans des relations abusives. Des milliers de réfugié.es sont piégé.es dans des camps dans des conditions pires que d’habitude. Dans les prisons, ils ont  interrompu toutes les visites tout comme l’accès des détenu.es au matériel, à la nourriture et aux vêtements provenant de l’extérieur. Les espaces vides dans les prisons sont utilisés pour isoler les détenu.es présentant des symptômes du Coronavirus 19, ces espaces étant vides dans la plupart des cas, ne pouvant plus accueillir des détenus.

On peut imaginer l’effet que cela aura sur la santé des prisonniers qui y seront jetés. Dans les prisons italiennes, des révoltes massives ont éclaté après l’introduction de restrictions générales. C’est probablement le seul moyen que les prisonnier.ères avaient de sauver leur dignité vu les conditions dans lesquelles ils sont contraints. En Espagne et en France également, les prisonniers se lèvent et ripostent comme le font d’autres prisonniers dans le monde. L’État ne sait pas ce que signifie la solidarité et ne s’est jamais soucié de notre bien-être. Comme toujours, ce sera à nous de prendre soin les uns des autres et veiller à ce que ceux et celles qui en ont besoin reçoivent un soutien. Lorsque le gouvernement utilise le mot solidarité, ce n’est que pour culpabiliser ceux et celles qui n’obéissent pas à leurs ordres et pousser les gens à intérioriser son autorité.

Quelle crise?

Et on nous dit que nous sommes en crise. Peut-être que quelqu’un nous dira le moment venu que nous ne sommes pas en crise? De la crise financière à la crise climatique, en passant par la crise des migrants et la crise du COVID-19. Il semble que le système porte beaucoup de noms différents pour ce qui s’avère toujours être des périodes utilisées pour restructurer son pouvoir, pour élargir et intensifier son oppression. Dans ce cas – surtout dans ce cas – ce ne sera pas différent. L’idée d’une condition de crise a toujours été utilisée pour contextualiser une nouvelle évolution totalitaire du pouvoir. Le rythme sur lequel cette évolution est forcé n’est pas toujours le même bien sûr. Plus ils peuvent donner une apparence de crise imminente, plus le changement peut être grand et rapide. Il va sans dire que la «crise» actuelle donne au gouvernement (à tous les gouvernements) le contexte idéal pour faire des pas de géant dans le développement de leurs mécanismes de contrôle et d’oppression.

A qui l’urgence?

On répète sans cesse que les mesures prises sont «temporaires». C’est un mensonge. De nombreuses occasions dans le passé nous ont montré qu’au moins une partie des mesures des «états d’exception» ont été conservées par la suite et ont été inscrites dans des lois qui ne devaient jamais être récupérées. Un des meilleurs exemples de ce fait est le 11 septembre qui aura changé à jamais la capacité des États à suivre, retracer et enregistrer les personnes. À des époques plus récentes où les attaques terroristes ont servi de prétexte pour introduire de nouvelles façons de traduire en justice quiconque n’est pas d’accord avec l’État, faire descendre l’armée dans les rues, renforcer la collecte générale des données, etc. En Grèce, le nouveau gouvernement n’a-t-il pas annoncé l’état général d’urgence dans la capitale visant la répression totale des indésirables (sans-abri, anarchistes, toxicomanes, squatteurs, etc.) depuis l’année dernière?

Nous savons tous qu’un travail acharné est fait pour perpétrer l’image d’une «crise» (dans ce cas, une sorte de «crise sécuritaire») pour justifier la soif absolue de pouvoir du gouvernement, ce qui implique que son comportement fasciste et ses politiques totalitaires seraient «nécessaires mais temporaire»… Et maintenant, que se passe-t-il massivement? Les gens se tournent vers l’Internet pour leurs besoins, tous leurs besoins. De la communication à la consommation, du travail à la détente. En un clin d’œil, une grande partie de la vie a été délibérément transférée dans le cyberespace. De cette manière, il devient encore plus facile pour l’État de suivre, d’enregistrer et de surveiller l’activité quotidienne de quiconque. Par-dessus tout, c’est notre propre volonté et capacité à s’accomoder aux problèmes causés par notre emprisonnement de masse, qui aident à le normaliser pour finalement l’accepter. La gestion de la situation telle qu’on la connait apportera un ensemble inimaginable d’expériences, d’outils et de savoir-faire qui peuvent et seront récupérés chaque fois que cela est jugé nécessaire par ceux qui sont au pouvoir.

Quelle guerre?

Toutes ces objections et critiques sont indésirables et même dangereuses, parce qu’après tout, nous sommes «en guerre». Une guerre biologique contre la nature. N’est-ce pas le propre des temps modernes? Nous oublions de plus en plus comment vivre avec et dans la nature en multipliant et en intensifiant nos guerres contre elle. 

Tout notre mode de vie repose sur l’exploitation de la nature et, si cette réalité n’est pas bientôt renversée, sa destruction totale. C’est peut-être l’arrogance occidentale qui s’illusionne que nous sommes au-dessus de toutes choses et devons élargir nos façons de les contrôler.

Pour la société «civilisée», la nature est toujours regardée dans l’optique de sa valeur pratique. Lorsque nous sommes confrontés à quelque chose qui cause de l’inconfort, tout sera mis en place pour l’apprivoiser, le manipuler ou l’éradiquer. Une guerre constante est donc menée, contre la nature, contre la vie et contre la mort. Il est devenu inimaginable que nous ne posséderions pas la nature, mais en ferions partie et que cette situation mondiale pourrait en être la preuve… Bien sûr, personne ne veut mourir, ni voir ses proches mourir ou souffrir. Nous voulons vivre!

Est-ce que survivre dans un contexte restreint est la même chose que vivre? Est-il possible de vivre dans une cage ou pouvons-nous au mieux survivre dans une cage? Sommes-nous prêt.es à éliminer toutes possibilités de vie pour avoir de meilleures chances de survie? On pourrait dire que ce sont des questions philosophiques bonnes pour passer le temps, mais rien à voir avec la vraie vie. Il se trouve qu’en ce moment même, toute vie nous est interdite parce qu’on nous dit que c’est la seule façon de survivre. Chaque jour dans l’isolement est une atteinte à notre autonomie, à notre capacité à penser et à agir par nous-mêmes, à vivre, à aimer et à lutter.

La quarantaine a été refusée parce que notre dignité ne peut y survivre. Le confinement se doit d’être rompu parce que notre désir de liberté ne peut être contraint!